Stade Francis Guilleux

Dans l’ouvrage Graines d’Histoire du Haut-Anjou édité par l’association Présence du Haut-Anjou paru en 2016, et dans le livre Coudray : village en Haut-Anjou, publié en 2018, j’ai retracé le parcours riche en péripéties de M. Francis Guilleux, né à Coudray le 19 juin 1888 à la Chaubronnière. Merci pour l’aide précieuse de M et Mme Paul et Suzanne Duchêne, ses proches voisins et de Messieurs Georges et Gaston Ledroit, ses petits-neveux.

Parti sur le Tour en 1905, il fut reçu Compagnon sellier-harnacheur du Devoir le 15 août 1906 à Bordeaux sous le nom de Manceau-le-Flambeau-du-Devoir. Durant cinq ans, il a parcouru à pied la route qu’il aimait tant. A Marseille, l’appel du large l’attire, il s’embarque pour l’Afrique : l’Algérie et le Tunisie et à son retour, il découvre quelques pays européens. Il remonte à Bierné en 1910 pour le conseil de révision et sera incorporé au 1er régiment des Chasseurs à cheval à Chateaudun. Une fois libéré, il poursuit son tour du monde et il est à New-York à l’heure de la mobilisation. Il rejoindra son régiment le 16 août 1914.

Portrait de Francis Guilleux

Dans son livre Le sport de la Marche en France et à travers le monde paru en 1929, Francis Guilleux écrivait (…) « Je suis moi-même Compagnon et j’ai fait mon Tour de France en 5 ans (1905-1909) et c’est là que j’ai éprouvé les plus belles joies de la marche. Travaillant çà et là, quelques jours, souvent le gousset vide mais ayant la foi et mes jambes de vingt ans, je repartais vite pour boucler mon tour de France. C’est en cheminant sur les routes que j’ai senti pénétrer en moi cet amour profond et passionné pour le plus naturel et le plus agréable des exercices humains, celui de la marche ». Président de la Société Les Marcheurs Français en 1929, le sport ne l’empêcha pas de se présenter au concours du M.O.F où il fut reçu Meilleur Ouvrier de France. » Démobilisé en 1919, il achète le journal sportif l »AUTO » et découvre l’adresse l’existence d’un club de marche au nom évocateur : les Marcheurs Français. Cette société ne se consacrait à l’époque qu’à l’activité de la marche. Sous son impulsion, toutes les disciplines allaient s’y adjoindre et en 1922, il en devient président. En 1924, lors des jeux Olympiques de Paris, il est nommé capitaine de l’équipe de France et responsable du bon comportement des marcheurs. La marche sera alors réadmise aux Jeux Olympiques. » extrait de l’hommage rendu par M Daniel Deschâtre, président le 11 juillet 1981 à Coudray,

Médaille commémorative@

Ce marcheur infatigable fut également arbitre et juré international de 6 Jeux Olympiques dont ceux de Berlin (1936). « La marche tient une large place dans notre existence. C’est un exercice naturel, le premier que nous ont appris nos parents. La marche en flexion, c’est la marche naturelle pour aller à son travail et à ses affaires. Il suffit de mettre le pied devant l’autre » écrivait-il dans son livre.

F. Guilleux devant sa maison,
rue du Bac de Ménil.

Le couple Guilleux fréquentent assidument Coudray se partageant entre la capitale, Paris (10e) et la Mayenne où leurs amis parisiens ou sportifs étaient régulièrement invités. Vers 1962 déjà, il ralentit son activité car il réalisé un petit musée, et y soigner sa vigne qu’il nomme « Clos du 1er Chasseur ». Ce compagnon a connu 62 employeurs mais il a terminé sa carrière de sellier-harnacheur diplômé chez la réputée maison Schiltz et chez de Pasqualit. Mme Gabrielle Guilleux, son épouse, décède en 1966. Francis l’a rejoind le 8 décembre 1968, à l’âge de 80 ans, dans le petit cimetière de son village. Véritable port d’attache qu’il a aimé toute sa vie où il connaissait tous les chemins pour les avoir souvent parcourus à pied. Au cours de l’été 1968, quelques mois avant sa mort, il écrit un article autobiographique intitulé « Le chemineau » publié dans Compagnonnage n° 311, juillet-août 1968 dont voici l’intégralité du texte. Un véritable plaidoyer pour la marche.

L’ancienne maison Guilleux à Coudray. (Photo J.P Bonsergent)

Le chemineau
Le chemineau dont le célèbre poète et auteur Jean Richepin a si bien illustré le caractère n’existe plus dans notre région de l’Ouest. Au début de notre siècle les chemineaux sillonnaient journellement cette région. Nous les appelions alors : Trainiers, Trimardeurs, Mendiants. Très souvent, c’étaient des sans-famille, d’autres aimaient avant tout la liberté, l’indépendance, étant des instables. Cependant, sous leurs haillons, se cachait souvent le cœur d’un brave homme qui n’avait pas toujours été heureux, avait beaucoup travaillé mais que les adversités de la vie, la maladie et la vieillesse, avaient amené à rouler sa bosse, sur la route, pour trouver à manger et le gîte pour passer la nuit. À cette époque, à part quelques œuvres privées, il n’existait absolument rien, au point de vue social, pour venir en aide à ces malheureux. Alors que j’étais enfants, mes parents étant fermiers près d’une grande ferme, presque tous les soirs, ils donnaient l’hospitalité à ces traîniers. Qui étaient assurés de la bonne écuelle et de la botte de paille dans l’étable chaude. L’hiver, mon père les invitait à passer la veillée auprès du feu et tandis que les domestiques tressaient des paniers ou des paillons, à la lueur d’une chandelle de résine, nous écoutions les récits et les anecdotes de ces errants. Certains avaient fait la guerre du Mexique (1864), d’autres la guerre de 1870… Ce sont ces gens-là qui m’inspirèrent le désir de voyager, de voir du pays et de connaitre l’aventure. Ma décision était prise. J’apprendrais un métier pour pouvoir voyager. À seize ans, mon apprentissage de sellier-bourrelier terminé, le 18 avril 1905, je quittais mon village natal de Coudray pour faire le tour de France. Pendant cinq années (1905-1909), travaillant çà et là, quelques mois, quelques semaines ou quelques jours, j’ai fait le Tour de France à pied. Au cours de mon séjour à Bordeaux, je fus reçu Compagnon du devoir du Tour de France ; suivant la tradition de cette association plusieurs fois centenaire, je quittais Bordeaux pour me rendre à Marseille. Par la route bien entendu.
J’étais très inspiré par le passé. Des Compagnons du Devoir, artisans des chefs-d’œuvre romans, gothiques, de la Renaissance dont aujourd’hui les touristes admirent les travaux artistiques, orgueil de notre pays, œuvres admirables de ces ouvriers constructeurs de Cathédrales, de Temples, façonniers de toute l’histoire de l’art et de la beauté.
Donc, en 1907, je fis- pédibus cum jambis-Bordeaux-Marseille : huit cent cinquante kilomètres environ. Comme il faisait bon sur la route où l’on s’enivre de grand air et de liberté ! Quel plaisir de s’en aller par les monts et les vallées et de connaître ainsi les quatre coins de la France, et d’en admirer les plus beaux sites !
La route m’attirait comme une maîtresse de mon âme, j’étais à elle, j’étais son chemineau, et je lui dois de m’avoir fait vivre les plus saines impressions de ma vie et de m’en avoir inspiré les plus belles pensées.
Suis ton destin… Va chemineau… chemine.
Manceau-le-Flambeau-du Devoir. Compagnon Sellier-Harnacheur du devoir.

Page rédigée par Jean-Paul Bonsergent, passionné d’histoires locales.

Sources :
– Biographie complète et illustrée dans la revue Graines d’Histoire en Haut-Anjou (2016), sous le titre : « Francis Guilleux, l’infatigable marcheur de Coudray » (p. 91-98).
– Musée du Compagnonnage. Tours http://www.museecompagnonnage.fr
Coudray : village en Haut-Anjou (2018) .J.P Bonsergent

-articles de presse : l’Indépendant 26 juin1965. Ouest-France 1981 et Haut-Anjou 2014.